Mistral, chapitre 1

Publié le par jpou

A pied! Alors que sa voiture est à Castelanne et lui sur le haut de la Canebière... Dix huit heures trente déjà et les rues qui se vident à vue d'œil. En l'espace d'une semaine, Marseille est passée du débardeur au manteau de fourrure!

C'est toujours comme ça dans cette région, jamais de printemps ni d'automne, seulement l'été brûlant qui s'échange subitement avec l'hiver glacial. La météo, aussi caractérielle que la foule! De partout, on a coupé les climatiseurs et branché les chauffages. L'anticyclone des Açores a perdu le match face à celui de Sibérie et comme de coutume, ça se passe dans le froid et le mistral. 

Le mistral, ce vent qui rend fou et transperce les murailles de pulls et de vestes que l'on brandit frénétiquement devant lui depuis déjà trois jours.

 La ville vaincue se tait, laissant subsister le bruit froissé des papiers gras qui effectuent leurs danses folles et chaotiques, des canettes vides crachent leurs chants rocailleux. Le vent, lui, gagne en puissance et ses murmures de mise en garde deviennent de véritables hurlements.

  Ce soir, le mistral domine donc Marseille et ne laisse sortir que les obligés et les téméraires.

 Alex marche donc dans les rues froides, son blouson léger face au vent lui semble aussi efficace qu'une bouteille d'eau percée. Il ne sent plus ses orteils, ses mains ou son nez. La seule chose qu'il ressent encore c'est ce froid qui le gifle en rafale. Ses pensées s'agitent aussi frénétiquement que les prospectus publicitaires qui dansent tout autour de lui et disparaissent. Il ressasse sans cesse les événements de l'après-midi.

   Ce pauvre Cyril, j'espère qu'il ne va pas prendre trop lourd chez les flics! Et les deux tarés sur leurs scooters. Merde, c'est toujours les mêmes qui s'en sortent indemne à chaque fois ou toujours les mêmes qui trinquent peut être… Le flou a fait place à la peine, puis à la haine et maintenant au froid.

        Trop de Mistral sur la Canebière , Alex presse le pas et prend une perpendiculaire pour ne plus se trouver dans l'axe du vent. Rue saint Féréol, pas un piéton et pas un magasin d'ouvert le dimanche… Dans les vitrines, il aperçoit des mannequins chaudement vêtus, mais leurs gros manteaux de fourrure ne lui font même plus envie.

   Dans sa tête, Alex se repasse le film et essaye de remettre de l'ordre dans ses pensées imbibées d'alcool. Il avance droit dans cette longue allée, regarde autour de lui, cette rue est désespérément déserte. Il presse le pas, sournoisement il sent cette petite boule d'angoisse qui commence à germer en lui, il sait qu'en ce moment, ici, en plein coeur de Marseille, il n'est pas en sécurité.

 

 

   Petit à petit, toutes les histoires de meurtres, de racket et d'enlèvement que l'on raconte sur la ville commencent à prendre forme et finissent par s'enraciner au plus profond de ses pensées, de sa poitrine. Il sent, son coeur s'accélérer, une goutte froide lui parcoure l'échine et le glace encore plus. Le froid, il avait presque fini par l'oublier celui la.

   Déjà traversé la moitié de la rue!, le froid et la peur le poussent et l'oppressent: faire vite, marcher vite, surtout, ne pas adresser la parole s'il croise quelqu'un, ne pas répondre si on lui parle, faire juste comme si le vent avait emporté les paroles et continuer sa route. Vite, toujours plus vite, Alex se retrouve bientôt en train de courir tellement il lui tarde de se retrouver protégé du vent et du froid par la coquille d'acier de sa voiture.

   Ca y est, le bout de la rue approche, encore une centaine de mètre et tout ceci ne sera pour lui qu'une mauvaise journée qu'il rangera vite dans le coin des oublis de sa mémoire. Encore une cinquantaine de mètre, la peur s'est déjà volatilisée, il commence déjà à entendre le doux chant de sa voiture ainsi que le ronronnement régulier du chauffage. Trente mètres, Alex s'arrête net, la, à l'entrée de la rue, un cyclo grogne de rage et l'aveugle de son phare.

Publié dans Un livre: Mistral!

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
J'ai exposé dans une galerie de ce secteur et c'est vrai que le soir du vernissage en retournant à la voiture...l'ambiance était un peu tendue...ces deux pages sont excellentes et si réelles..le style captive...la suite bientôt?~~***
Répondre
J
<br /> oui, surtout les soirs de mistral...<br /> La suite très bientot<br /> <br /> <br />